jeudi 1 septembre 2011

CINÉMA // ALMODOVAR, CE GRAND PE-IN-TRE



La Piel que Habito (La Peau que j'habite), le dernier film du cinéaste espagnol Pedro Almodovar, le fait renouer avec son énergie d'antan, ses étranges obsessions et surtout, deux de ses acteurs fétiches des années 80-90, Antonio Banderas et Marisa Paredes.

Librement adaptée du roman de Thierry Jonquet, Mygale, l'histoire est évidemment plus que rocambolesque et raconte une vengeance. En résumé, à la suite d'un accident de voiture, la femme d'un chirurgien de renom (Antonio Banderas) meurt brûlée vive. Accablé, celui-ci cherche à créer un épiderme artificiel résistant aux brûlures, et teste ses découvertes sur une femme (Elena Anaya) dont on ne sait au départ pas exactement s'il la détient captive ou si elle est là volontairement...

Le film tient à la fois du thriller, du film de science fiction, du drame et du film d'horreur. Almodovar réussit, grâce aux soubresauts de son intrigue, au changements de points de vue et surtout à la conduite adroite des bonds dans le temps, à instiller un suspense et des coups de théâtres inattendus. Les rôles se brouillent, et la distinction entre victime et vengeur, entre dominant et dominé, entre manipulateur et manipulé devient difficile à établir, le tout se faisant intensément psychologique, sans aucun excès, sans aucun pathos.

L'autre grande force du film réside dans la photographie magistrale d'Almodovar. La gestion des couleurs qui composent l'image, des mises en abîmes diverses, des décors exceptionnels donne à La Piel que Habito un caractère éminemment pictural. L'omniprésence du corps de la femme aussi bien dans la trame que dans le cadre, marque de fabrique du réalisateur, se fait tantôt érotique, tantôt dérangeante.

On se surprend par ailleurs à trouver Antonio Banderas si bon acteur, après tous les navets auxquels il a pris part ces dernières années ; ici, son jeu, sombre et froid laisse transparaître toute la fragilité du personnage. Elena Anaya se fait robotique dans ses mouvements et dans les émotions qu'elle transmet, créature de Frankenstein revisitée qu'elle est. Enfin la splendide Marisa Paredes est l'oeil désabusé et néanmoins fantasque (très hispanique à la façon d'Almodovar) du film.

Naviguant sur la frontière (intuitive) entre Tout sur ma Mère et Parle avec elle, La Piel que Habito est exceptionnel, puissant, beau, perturbant : une oeuvre d'art.



Solal de La Grandville

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