vendredi 20 juillet 2012

LITTÉRATURE // UN HOMME JETABLE : L'IN-COMPRÉHENSIBLE LAURÉAT



Le Prix du Roman Social est une belle idée. Il s'agit d'une nouvelle récompense littéraire, décernée par l'AFPA (l'Association pour la Formation Professionnelle des Adultes), qui ne se contente pas de distinguer un auteur, mais reverse également une partie de la gratification à l'association du choix de l'écrivain. Le 20 juin dernier, il était remis au Conseil Economique, Social et Environnemental, à Aude Walker pour son roman Un Homme Jetable (publié aux éditions du Moteur). Une regrettable erreur pour ce jeune prix littéraire.

Aude Walker rapporte l'histoire de Jules, jeune homme de 20 ans, un brin à la dérive, qui se lance un peu par hasard, un peu par goût du risque, dans la carrière d'employé ponctuel de centrales nucléaires. De rencontres en expériences formatrices il finit (tardivement) par se révolter contre la précarité de la condition ouvrière et la criminalité de cette industrie.

En quatre-vingt-dix pages, l'écrivain parvient à emmener son malheureux lecteur au sommet de l'ennui. Dans la caricature la plus grotesque et la plus mal pensée qui soit, on nous présente un personnage sans aucune nuance, issu d'un milieu à la frontière de la qualification pour le casting de Strip Tease (mère de famille isolée, ignare et vulgaire, courant à la recherche désespérée d'un portefeuille bien rempli plus que d'un beau-père pour ses deux enfants), écolier médiocre et bagarreur, recherchant avec une envie malsaine tout ce qui peut mettre en danger sa vie de "petit con" (expression qui lui est accolée une bonne centaine de fois dans le livre). Jules prend en effet délibérément plaisir à détruire petit à petit sa vie, multipliant les prises de risque imbéciles, ne comprenant manifestement pas la gravité des radiations de l'atome et lui préférant les délices de l'adrénaline... Et le lecteur de s'interroger sempiternellement sur la bêtise crasse de ce jeune homme...

Ayant intégré le milieu du nucléaire, il fait la connaissance de Fernand, personnage mutique et bourru, figure patriarcale dont le protagoniste tient à la fois à se faire un ami et à obtenir le respect, quitte à s'éloigner du chemin qui lui a été indiqué (un tableau d'une originalité renversante), mais aussi d'Irène, de Bijou, de Michel, de Jeanne (autant de personnages sans réel intérêt) ou encore de Steve McQueen, un homme dont les chemises aux couleurs criardes rappellent à Jules l'acteur américain...

Cependant là n'est pas le plus grave, l'invraisemblable étant que le livre n'explore qu'en surface, sans la qualité d'un documentaire et sans la force romanesque nécessaire, la France nucléaire, les différents métiers qui composent ce secteur, les hommes et les femmes qui, poussés par la misère sociale, financière, intellectuelle, sacrifient leur vie pour cette industrie... Or l'auteur ne dénonce pas réellement les conditions déplorables de travail de ces ouvriers payés au lance-pierre ou le danger intrinsèque de leurs fonctions. Et c'est là qu'on se prend à regretter un Zola. Car de social, ce roman n'a que l'étiquette... Un Homme Jetable n'atteint son aspect engagé, en somme, que dans les trois derniers chapitres, lorsqu'il s'agit de partir en croisade contre une réelle injustice : le non-remboursement des frais de santé de Fernand, atteint d'une grave leucémie contractée quinze ans auparavant lors d'un accident du travail.

Rien n'est fait pour relever le niveau de cette piètre rédaction lycéenne, écrite au râteau, qui ne parvient pas même à pasticher efficacement, ni la langue jeune qu'on entendrait plus volontiers parler Jules, ni même l'oralité voulue par l'utilisation du je. De fait Walker use d'un langage hésitant entre quelques envolées pseudo lyriques et du Audiard de bas étage, avec de-ci de-là, distillées sans aucune habileté, quelques expressions banlieusardes et quelques mots crus pour faire couleur locale, sans oublier quelques termes techniques pour bien indiquer qu'elle a fait son travail de recherche en amont. Une écriture consternante qui ne parvient jamais à un semblant de crédibilité. On s'interroge enfin sur le caractère convenu du choix du sujet, un an après la catastrophe de Fukushima et à l'heure où les partisans et les détracteurs de l'énergie nucléaire se déchirent (plus intelligemment et plus utilement qu’Aude Walker) sur ce thème...

En bref, un premier cru décevant pour ce Prix du Roman Social, pourtant plein de promesses.

Solal de La Grandville

samedi 7 juillet 2012

MUSIQUE // L'IN-VASION THE YOUNG PROFESSIONALS





« Nous sommes The Young Professionals. Nous créons quelque chose de nouveau, basé sur quelque chose d’ancien. »
  
Vous déprimez à cause de cet horrible temps ? Pas de problème. Nous vous faisons découvrir un groupe qui va vous remettre du baume au cœur, croyez-moi.

Groupe atypique originaire de Tel Aviv, The Young Professionals (TYP) a été fondé très récemment, durant l’été 2011, par deux artistes de la scène musicale israélienne : Ivri Lider et Johnny Goldstein. Si la musique reste leur principale activité, elle est toujours mise en relief par d’autres artistes talentueux issus du net, du design, de la video, etc. TYP a ainsi bien trouvé son nom, de "jeunes professionnels". 

Leur musique est un mélange de pop-électro, de titres tantôt sombres, tantôt joyeux. Le groupe étonne d'ailleurs par sa capacité à faire, sans cesse, le grand écart, en surfant entre références très branchées et sonorité plus anciennes. Il est classe sans être coincé, drôle sans tomber dans le potache, perturbant sans être irrévérencieux... Il serait donc bien dommage que le reste du monde n’en profite pas un peu !

Le single phare de TYP est  « DISCO », une reprise ahurissante du tubesque « D.I.S.C.O » d’Ottawan accompagné dans le clip de la danse de leur ami Uriel Yekutiel. Une chorégraphie féminine, sexuelle et scandaleuse qui personnellement, me donne une envie furieuse d’enfilé une paire d’escarpins et de me déhancher ! Jugez par vous-même :


Le premier album de TYP compte d'autres samples comme celui de la chanson « Et si tu n'existais pas » de Joe Dassin sur le titre « Be With You Tonight ». On retrouve également une version inattendue, décalée, aux accents rock’n’roll urbain de « Video Games »  qui a été reprise par Lana Del Rey elle-même, sur son blog.


Sur fond de musique électronique, The Young Professionals nous livre  donc avec « 9AM to 5PM – 5PM to Whenever », paru le 18 juin, un projet dansant dont on retient notamment le titre « 20 Seconds » aux rythmes électro-orientaux, qui pourrait bien faire office de prochain single en France. The Young Professionals sera d'ailleurs en concert au Trianon le 9 novembre avec la présence exceptionnelle de Uriel Yekutiel.


En espérant avoir é-gay-é votre journée ! 

Aymeric Bordeaux Montrieux 

CINÉMA // TO ROME WITH LOVE : À QUAND LA F-IN DE WOODY ALLEN ?



Avec ce nouvel opus, le réalisateur poursuit sa visite touristique de l'Europe : après avoir filmé Londres sous tous les angles (Scoop, Le Rêve de Cassandre, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu), s'être arrêté un temps en Espagne (Vicky Cristina Barcelona) et s'être attaqué à Paris (Midnight in Paris), le voilà à présent dans la ville éternelle.

Alors certes, quelques scènes font sourire (bien plus que rire), mais c'est sans passion, en véritable excursionniste, que cet Américain sillonne les circuits touristiques principaux de la capitale italienne, passant nonchalamment devant quelques-uns des chefs d'oeuvre architecturaux romains, en oubliant la plupart (comme le Panthéon, la Piazza Navona, la Villa Médicis et n'osant pas même franchir la frontière, pourtant proche, qui sépare l'État italien du Saint-Siège). Il donne ainsi une vision convenue de la ville, semblant même s'excuser de ses oublis en faisant régulièrement s'extasier ses personnages ("What a wonderful city !", "How beautiful !"), ou en arpentant de-ci de-là quelques ruelles plus discrètes, aux teintes, certes délicieusement méditerranéennes, mais tellement propres et nettes qu'on pourrait croire le film tourné en studio. 

Et devant cet étalage de banalités, on ne s'étonne presque pas de trouver la belle Pénélope Cruz grimée en call-girl italienne, et dont on peut saluer le bel effort d'accentuation. Car n'en déplaise à nos amis d'outre-Atlantique, l'Italie et l'Espagne ne parlent pas la même langue, même si Woody Allen semble s'en amuser lorsqu'il ânonne un vague "Gracias".


Le film suit - de façon encore une fois, très habituelle - plusieurs couples dans leur vie romaine : de la jeune fille américaine tombée éperdument amoureuse d'un Italien, à leurs parents respectifs, d'un couple de jeunes Italiens un brin coincés au couple de jeunes yankees venus étudier l'architecture, en passant (pour faire couleur locale) par la famille lambda d'Italiens middle-class, dont le pater familias est campé par le double européen de Woody Allen, le très savoureux Roberto Benigni. 

Sans finesse aucune, avec une volonté d'humour absurde qui fonctionne assez difficilement, le cinéaste insère à renfort de grosses ficelles des éléments perturbateurs dans cet ordre des choses. Roberto Benigni devient du jour au lendemain la figure la plus célèbre de Rome, le jeune Italien coincé est découvert par sa famille en flagrant délit avec une call-girl tandis que sa jeune épouse, perdue dans Rome rencontre son acteur préféré et ne résiste pas à la tentation de le suivre dans sa chambre d'hôtel. Le jeune architecte tente de lutter contre ses sentiments naissants pour la meilleure amie de sa femme, mais est sans cesse confronté à la réalité par un architecte moins jeune qui joue le rôle de sa conscience... Et puis bien sûr, Woody Allen, l'Américain raté, toujours hypocondriaque, toujours volubile, toujours lâche, toujours engoncé dans sa vision obtuse des choses découvre avec merveille que le père de son futur gendre a une voix exceptionnelle et fait tout pour le faire chanter sur les plus grandes scènes du monde. 

Seulement voilà, n'est pas Voltaire ou Montesquieu qui veut l'être. N'est plus même Woody Allen qui veut l'être ! Et aujourd'hui le réalisateur de To Rome with Love n'a définitivement pas le talent de ces grands, en matière de conte philosophique. D'ailleurs, invariablement, ses films se concluent par un retour à la normale, et To Rome with Love ne fait pas exception : Benigni redevient un rien du tout, le couple coincé et le couple d'architecte se rabibochent, l'expérience de chanteur d'opéra lancée par Woody Allen est très vite avortée, et comble du happy ending, la jeune Américaine et le jeune Italien rêvent d'un mariage Piazza di Spagna... Bref, Woody Allen se contente de secouer un peu les événements avant de les reconstituer. Un véritable révolutionnaire en somme, dont les films ne disent plus grand-chose et ne délivrent plus aucun message.  



Solal de La Grandville