samedi 29 janvier 2011

CINÉMA // THE K-IN-G'S SPEECH : BOULEVERSANT



Aristote, Isaac Newton, Théodore Roosevelt, Winston Churchill, Marilyn Monroe, François Bayrou. Leur point commun ? Le bégaiement. C'était aussi le cas de George VI, dit "Bertie", le père de l'actuelle reine d'Angleterre, dont une partie de la vie est aujourd'hui portée, avec brio, à l'écran par Tom Hooper. Si l'histoire de The King's Speech en elle-même n'a rien de fascinant pour nous, Français chauvins et républicains, il s'avère qu'elle n'est qu'un prétexte à une beauté, une émotion, une grandeur dont on retrouve les remous dans les scènes d'exercices de langage de cet homme au destin incroyable. Oui, nous céderons à la mauvaise plaisanterie : ce film laisse sans voix.

Il relate d'abord la vie compliquée de cet homme que rien ne prédestinait à porter la charge de la couronne. Fils cadet de George V, d'une timidité maladive, bègue de surcroît, c'est un coup du sort (l'abdication de son frère aîné) qui l'a vu accéder au trône. Dans un contexte troublé (la déclaration de guerre avec l'Allemagne en 1939), cet homme doit vaincre son bégaiement.

Il raconte ensuite une relation chiasmatique : celle d'un prince et d'un homme du peuple, celle d'un médecin et de son patient. Un pied d'égalité est construit entre "Bertie" et Lionel, entre ce prince sans préparation à sa tâche de roi et ce docteur autodidacte. Ce sont deux hommes qui apprennent en cours de route, à travers les guerres (Lionel s'est formé pendant 14-18, et "Bertie" pendant 39-45). Ce sont finalement deux hommes. C'est finalement une formidable amitié.

Ce film, c'est surtout des voix, des langues. Un Anglais d'une grande beauté, qui fait frissonner. C'est une pièce shakespearienne en somme, dans laquelle les personnages se font eux-mêmes acteurs : "Bertie" (Colin Firth) doit camper le rôle de roi d'Angleterre et Logue (Geoffrey Rush) tout à la fois celui d'acteur raté, de conseiller, de psychanalyste, de chef d'orchestre, d'ami. Une musique bouleversante ensuite, dont le choix a été mené avec une grande sagacité. La musique se fait ici l'écho et l'adjuvant des troubles des locutions de "Bertie". C'est Mozart qui convainc et accompagne le futur roi tout au long de ce travail sur lui-même, c'est la 7e Symphonie de Beethoven qui le suit dans son discours final, acmé magistral de ce film poignant.

Des acteurs fantastiques enfin : un Colin Firth d'une grandiose justesse, loin de ses rôles de Valmont, de Bridget Jones, de Love Actually ou de Mamma Mia. Un Geoffrey Rush toujours aussi splendide, qui rappelle par ce rôle celui de Sir Francis Walsingham qu'il a tenu aux côtés de Cate Blanchett dans les deux Elizabeth. Une Helena Bonham Carter d'une élégance, d'une classe et d'une douceur incroyable. On apprécie également la présence de Michael Gambon (notre cher Albus Dumbledore) qui donne à son interprétation de George V des allures de Roi Lear, de Timothy Spall en Winston Churchill (on se souvient surtout de lui pour son rôle de Peter Pettigrow), et devant cette effusion de noms Harry Potteriens, on ne s'étonne pas de retrouver au générique le nom d'Alexandre Desplat, musicien désormais couronné de succès (après notamment The Queen et Harry Potter), nouvelle coqueluche du cinéma mondial.

Un humour très anglais parsème le tout et donne son équilibre à ce film. Un humour piquant, sonnant, jaune, tout en finesse et en allusions, qu'on vous laissera découvrir et appréhender avec bonheur à partir du 2 février.




Solal de La Grandville